Il est des livres qui paraissent et deviennent aussitôt à la fois fragiles, entêtés et rocailleux au creux des rayons. Des livres discrets, presque invisibles, dans une bibliothèque illuminée cependant de leur présence.
Tel est Baroque Sarabande, le dernier livre de Christiane Taubira dont d’emblée le titre pourrait aussi bien évoquer Edouard Glissant, que Beckett ou la musique. En une trentaine de petits textes comme autant de « cailloux blancs », il instille une lumière à la fois diffuse et précise dont on ne saurait déterminer la source.
Certes s’agit-il d’un livre de lectrice, au sens plein du terme, lectrice. Et en tant que tel relatant selon un axe autobiographique les livres, les textes, les poèmes, les chansons, les photos qui ont constitué l’auteure, l’ont hantée, accompagnée, croisée, pensée, ou qu’elle a aimé ou combattu, et dont on constate que dans l’après coup elle les aura tous espérés dans leur diversité, de Bernanos à Beckett, de Char à Glissant – dont affleure souvent l’ombre portée – de Brecht à Paul Niger, de la BD à Marquez, de Labou Tansi Sony à Nazim Hikmet et tant et tant d’autres qui lui auront entre autre permis de « regarder clair pour agir vite et fort ».
Mais deux autres fils plus secrets cousent en pointillé ce livre, le silence et la tendresse. Le silence du respect, bien souvent les œuvres ou les auteurs sont cités sans plus de commentaires, comme si leurs noms ou titres seuls suffisaient à leur éclat. Et la tendresse pour des écritures singulières aussi diverses que les langues du monde qu’elle s’efforce de qualifier. « flamboyante » chez Hugo, « orageuse, généreuse et sublime » chez Louise Michel, « incandescente » chez Zola, « fulgurante et dense » chez Char, « sagace et débonnaire » chez Yourcenar, « langoureuse » chez Assia Djebar, « lugubre et rutilante » chez Potier, « expressive et sensible, même quand elle se fait bancale » chez Léonora Miano, « couroucée et jubilante » chez Gaël Faye, effort de qualification, disons-le, d’écrivain, et qui laisse songer à quelque poétique des cultures.
L’index des œuvres, dès lors, est un torrent.
A propos de poésie René Char aura écrit un poème fameux, « la passante » et pestait que l’on puisse croire qu’il s’agissait d’un texte d’amour alors que l’adulée était en fait la Poésie.
Cette passante est aussi une passeuse.