Histoire des Blancs

Écrit par Labays Dominique (Paris) Administrateur 7 mars 2019 Catégories : Livres

Un livre fascinant vient de paraître, entendons ce dernier terme : vient d’être rendu visible en France – remercions l’éditeur Max Milo et son équipe de Voix libres – à savoir une « Histoire des blancs » de l’universitaire américaine Nell Irvin Painter.

Le propos en est synthétisé, dans sa complexité active, en quatrième de couverture :

« Une histoire intellectuelle de la race blanche pour un large public. » The New York times.

« La blancheur a été construite pendant des siècles sur la base de tromperie et des impératifs politiques déguisés. » The New Yorker.

« La notion de race fait un retour violent dans le langage et les conflits sociaux en France, comme si le sujet avait été refoulé. Les minorités visibles n’hésitent plus à revendiquer leur couleur ou leur identité racisée.

L’historienne africaine-américaine, Nell Irvin Painter, adopte un point de vue révolutionnaire : au lieu d’étudier la négritude, elle interroge la construction de la notion de race blanche, depuis les Scythes de l’Antiquité jusqu’aux catégories raciales utilisées dans l’Occident contemporain. Elle retrace la manière dont la désignation des Blancs et des Non-Blancs a évolué selon les croyances politiques. En montrant les transferts entre les pensées américaines et européennes, elle éclaire les identifications raciales aujourd’hui. »

 

Soulignons d’emblée combien sa lecture peut en être dérangeante en France. Outre le fait qu’il s’agit d’une ouvrage d’histoire, avec la distance calme que cela implique, (voilà, ça c’est fait comme ça et c’est passé par là), outre le fait que cela concerne de prime abord les Etats-Unis (n’oublions surtout pas les relais européens, notamment français), outre le fait que l’on rêverait d’une telle histoire de la constitution intellectuelle et sociale de la blanchité en France (un débat inouï dans le cher pays de mon enfance et ses silences), il est à noter la tranquille assurance avec laquelle Nell Irvin Painter reprend et analyse les formes discursives, les raisons et les lois, qui ont soutenu ou fomenté, consciemment ou non, la constitution du concept de blanchité et de ses racialisations induites, avec les lignes de partage, mouvantes, toujours mouvantes, que cela implique.

Entre blancs et noirs bien sûr, mais aussi entre « blancs » et « blancs », entre italiens et irlandais, entre « blancs » et mexicains, etc… au bénéfice de quelque « anglo-saxon » au bout du compte inventé en tant que « race » tout comme la notion de « race », de fait inexistant si ce n’est en tant que dominant économique et politique, anglo-saxon conforté, soutenu afin de perdurer, défendu – bien sûr, il y a toujours quelque ennemi n’est-ce pas – rejeton d’une « race blanche » dont l’historienne nous démontre, à en faire l’archéologie, combien elle est une construction mouvante qui a ses utilités à défaut sans doute d’avoir ses humanités.

Le bonheur aussi d’un tel livre est qu’avec son humour tranquille, sa précision et son érudition universitaire stupéfiantes (12 ans de recherches, ô Hercule !) il nous met subtilement au travail dans l’après-coup de sa lecture. Nous nous retrouvons soudain pantois, interrogeant nos propres lignes de partage, raciales ou non.

A mettre entre bien des mains.

Présentation à la librairie Mollat : https://www.youtube.com/watch?v=v9oXV_TZlDw

Nell Irvin Painter : https://en.wikipedia.org/wiki/Nell_Irvin_Painter