« Liaisons magnétiques », ou l’actualité surréaliste d’Edouard Glissant

12 avril 2023 Catégories : Articles-revues

auteur Georges Bloess

paru dans la revue Mélusine ASTU 12 mars 2023

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« Liaisons magnétiques » : si j’emprunte à Patrick Chamoiseau cette formule, ce n’est pas par souci de commodité. Elle résume, à elle seule, le génie créateur d’Édouard Glissant, tout en le replaçant dans le sillage des Chants magnétiques, ce texte inaugural du mouvement qui provoqua le séisme le plus profond dans l’art du xxe siècle. Inscrire l’auteur de Poétique de la Relation dans l’épopée surréaliste ? Pareil projet peut sembler suspect d’une volonté d’annexion. À y regarder de près, il ne manque pourtant pas de solides arguments.

Tout d’abord : Édouard Glissant n’est-il pas, pour ainsi dire, né en Surréalisme ? Il n’est encore qu’un très jeune adolescent lorsqu’on l’aurait admis aux soirées qu’organisent André Breton et André Masson à Fort-de-France, où ils ont réussi à débarquer après avoir fui la métropole occupée et livrée au pétainisme. Le jeune garçon participe avec enthousiasme aux lectures et aux débats. Peut-être y a-t-il été déjà préparé grâce au rayonnement qu’exerce un professeur de son lycée, qui n’est autre qu’Aimé Césaire ; et quelque peu aussi grâce à celui d’une figure majeure de la poésie antillaise, bien que plus éloignée dans le temps : Saint-John Perse. Bientôt son regard s’éblouira des rêveries picturales d’André Masson, de Matta, de Wilfredo Lam. C’est peu dire que le Surréalisme a été la première expérience artistique d’Édouard Glissant : il en est imprégné et en restera marqué pour toujours.

Imprégnation vaut-elle adhésion pleine et entière, et influence, appartenance, voire obéissance ? Examinons cette relation de plus près. Dans la durée pour commencer. André Breton n’aura guère le temps de planter ses griffes sur l’adolescent encore frêle : le zèle d’un préfet nommé par le gouvernement de Vichy, soucieux de faire régner l’ordre moral sur la Martinique, renvoie le groupe des fauteurs de trouble sur la route de l’exil. Édouard Glissant se retrouve avec Césaire comme unique référence. Il grandit, s’essaie à l’écriture et ne tarde pas à se confronter aux principes fondateurs de la révolution surréaliste : qu’est-ce que l’écriture automatique ? Obéit-elle à la dictée de l’Inconscient ? Comment ce dernier se manifeste-t-il ? Par le rêve, dont une science nouvelle prétend interpréter les messages ? Cette science est-elle l’instrument d’une Raison supérieure ou faut-il au contraire combattre de toutes ses forces cette Raison comme une suprême imposture ? En clair : écrire poétiquement, créer artistiquement, est-ce prendre les armes pour renverser l’ordre du monde ? Rejoindre dans la ferveur l’élan révolutionnaire du Surréalisme ?

Autant de questions auxquelles ne peut échapper ce jeune esprit. Ses premiers recueils poétiques, d’une surprenante maturité, portent la marque indéniable de l’écriture surréaliste. Nuançons cependant. Un champ d’îles, paru en 1953, suivi en 1955 de La Terre inquiète, affirment un ton original et la pleine maîtrise d’une vision personnelle. En quoi consistent ces particularités ? Et qu’apporte dès lors la contribution d’Édouard Glissant à la survie du Surréalisme, lui qui en est l’héritier et qui, selon moi, en transmet l’héritage à notre époque si troublée ? Serait-il une vigie face au danger qui menace ? Cette image ne me paraît pas exagérée.

 

  1. Quand commence la poésie ?

Le moment, le lieu. En vérifiant la datation des premiers essais d’Édouard Glissant, regroupés dans le recueil qui prendra le titre d’Un champ d’îles, on est frappé par la précocité de leur auteur : il a tout au plus dix-neuf ans. Mais c’est vouloir fixer à l’heure de leur rédaction, sinon à celle de l’inspiration, le commencement de la poésie. Il faut, à bien y réfléchir, la situer beaucoup plus avant, car c’est mal poser la question que de la relier à la durée humaine. Elle est, au demeurant, inséparable de celle de son lieu. Non pas celui de l’écriture, mais celui de ce qui la soutient et la fonde, de ce qu’Yves Bonnefoy nomme « l’arrière-pays », compagnon silencieux de sa méditation. À peine s’agit-il là d’une métaphore : les romantiques allemands, auxquels André Breton assimile (suivant en cela l’ensemble de la réception française de ce mouvement) la figure mythique de Friedrich Hölderlin, croient percevoir dans la Nature davantage qu’un spectacle. C’est un monde qu’ils contemplent, c’est un être vivant qui leur parle en un langage chiffré. Il n’est pas certain que durant son séjour martiniquais, André Breton ait eu l’occasion de prononcer le nom d’Hölderlin ; il est sûr en tout cas qu’il plaçait cet auteur au firmament de la poésie (pour la mince partie de son œuvre alors accessible au public) et le considérait comme un précurseur de la révolution surréaliste. Juste intuition chez ce partisan du Rêve : le paysage est un Inconscient en pleine activité qui, chez Hölderlin, anime les prairies et les forêts, les baigne de lumière, leur insuffle une âme. De la prison mentale où il est reclus pendant plus de quarante ans, il se risque à de rares sorties, dictées par les messages de cette « âme du monde », de cette enveloppe qu’il nomme « Éther ». Au cours de ses promenades sur les collines striées de sillons ou de rangées de vignes, c’est le rythme, c’est « l’harmonie » des éléments, et jusqu’aux oiseaux migrateurs disposés en triangles réguliers dans leur navigation aérienne, c’est tout cela qui l’enchante. Sa propre marche se calque sur le rythme dont il se sent pénétré ; elle prélude à l’écriture d’un sonnet ou d’une ballade. Mais le poème n’aura été que la transcription d’un rythme premier, originaire. Et le geste du poète, guère autre chose que l’oscillation de la pointe d’un sismographe sur le rouleau de papier. À l’âge de sa maturité, Édouard Glissant semble marcher à son tour sur les traces laissées par le visionnaire romantique, au point d’en paraître la réincarnation. N’est-ce pas Hölderlin lui-même qui parle ici par sa bouche :

 

nomadisme circulaire qui s’enracine dans le sacré de l’air et l’évanescence,

dans le pur refus qui ne change rien du monde[1]

 

Comment les surréalistes pourraient-ils rester insensibles au message du monde muet ? Breton, Aragon, Philippe Soupault vont à leur tour vivre en des paysages – qu’ils soient naturels ou urbains – peuplés de signes et de symboles et leur accorder une dimension mythique. La seule vue de la Martinique, le nom que porte un promontoire, tout ceci frappe comme une révélation l’esprit d’André Breton et de Masson à leur arrivée sur l’île ; chacun pose cette question :

 

Ne trouves-tu pas à la fois singulier et nécessaire que le rocher de l’île qui ouvre

la mer libre soit précisément le rocher du Diamant ?[2]

 

La mer, les rochers ; bientôt le sable que l’on foulera, sous le soleil puissant des Tropiques. Un ensemble de sensations à haute signification, une poésie d’avant la parole, que Breton est impatient de traduire. Trop impatient peut-être ? Ce paysage « en attente » d’une parole poétique, le jeune Édouard Glissant saura au contraire l’accueillir dans un silence presque religieux. C’est la sensation première qu’éveille ce lieu imposant : celle d’un silence. Silence originaire ? Silence auquel aurait été voué pendant longtemps un « enfant mutique », selon certains bons connaisseurs de la biographie d’Édouard Glissant ? La nature de ce silence interroge. Écartons d’emblée celle d’un silence effrayant, image du Néant, synonyme de notre solitude. S’il évoque, dans l’œuvre de ce poète (où il survient fréquemment, jusque dans ses écrits tardifs), une « absente » et même souvent, une « absence », il nous faut l’entendre comme une promesse, précisément comme une promesse de présence. En d’autres termes : comme la source d’un véritable commencement.

 

L’heure de la Parole. Se pose désormais la question : comment commencer ? Rien n’est simple dès qu’il s’agit de manier le langage. Il paraît suspect, il sonne de manière hostile à l’oreille d’Édouard Glissant. Pour le jeune Antillais, descendant lointain d’un peuple déporté ici depuis des siècles par une puissance esclavagiste, en chaque mot de cette langue se fait entendre la parole du Maître – à vrai dire, non pas une parole, mais la violence d’un ordre, le claquement du fouet. Or l’ironie de la situation veut que cette langue soit la seule dont Glissant dispose ; s’exprimer en créole entraînerait d’autres difficultés.

Contester cette langue tout en la couchant sur la page, élever cette contestation au rang d’une véritable poétique et d’une philosophie en acte, telle s’annonce pour lui la tâche de toute une vie. Il n’est, à bien considérer le drame d’un grand nombre de poètes du siècle passé, loin d’être seul ; son constat, son expérience, sa stratégie rejoignent en bien des points la trajectoire de ceux qui l’ont précédé, depuis Rilke, depuis les expressionnistes allemands, depuis Ossip Mandelstam ou Paul Celan, et bien sûr quelques surréalistes parmi les plus éminents. Tous sans exception ont dû bâtir le matériau de leur expression à la fois contre et à l’intérieur d’une langue du mensonge et de l’oppression ; peut-être nomme-t-on « vocation poétique » la simple nécessité où ils se sont trouvés de s’exprimer sous cette forme.

La langue serait-elle le reflet de la Raison ? Cela reviendrait à rejeter toute poésie du côté de la Déraison. Ne nous attardons pas sur Rimbaud, sollicité à outrance sur ce sujet, et parlons plutôt, avec Édouard Glissant, d’une langue comme effet du Pouvoir. Il en dénonce la « rhétorique », ce composé de formules toutes-prêtes déployées dans le flux d’une syntaxe reflétant elle-même un ordre préétabli du monde. Critique qu’avait exprimée le Surréalisme dès sa naissance, avant même la parution de son Premier manifeste, se faisant en réalité l’écho des avant-gardes futuristes et expressionnistes ; ces dernières avaient, dès avant 1914, dénoncé la prétention logique de la langue : sous l’apparence de la rationalité, elle imposerait le perspectivisme hiérarchique et essentialiste d’un « sujet » actif et dominateur, divisant le monde en substances et qualités, selon les catégories immuables de l’espace et du temps.

Les incursions d’Édouard Glissant dans le mode d’écriture syntaxique surprennent en effet par leur rareté dans ses poèmes. Cependant : ignorer la syntaxe, voire écrire contre elle, n’est-ce pas tuer dans l’œuf l’espoir d’une création romanesque ? En dépit de quelques exceptionnelles réussites dans ce genre, l’hostilité des surréalistes envers le roman est bien connue. Glissant ne semble pas la partager : son œuvre ne compte pas moins de cinq romans. Dans une interview consécutive à la parution du premier d’entre eux, La Lézarde, en décembre 1959, Pierre Desgraupes relevait ce paradoxe : comment pouvait-on concilier écriture poétique et écriture romanesque ? Ce grand lecteur de romans se souvenait de l’échec cuisant des poètes du xxe siècle dans leur tentative de construire un univers romanesque (à commencer par Rilke, incapable de mener à terme ses Cahiers de Malte Laurids Brigge), tandis que les grands romanciers s’abstenaient prudemment d’écrire poétiquement. À cette question, Édouard Glissant répond : « mon roman est un réalisme lyrique. » Définition assez exacte pour un récit regorgeant d’images, de métaphores, d’actions brutalement interrompues par des échappées poétiques – comme s’il importait à leur auteur de briser le cours des événements.

Ne cédons pas à la tentation de vouloir trouver chez lui quelque « théorie » de l’écriture. Rien ne lui est plus étranger, tant il se méfie de la « logique froide » rigide et insensible à la matière littéraire. Sa mise en garde s’exprime clairement dans Poétique de la Relation : « La pensée théoricienne (…) ruse avec la poussée du monde, s’y dérobe. Elle s’invente des paravents. (…) la poétique de la Relation est à jamais conjecturale et ne suppose aucune fixité d’idéologie. Elle contredit aux confortables assurances liées à l’excellence supposée d’une langue. (…) La pensée théoricienne, qui vise le fondamental et l’assise, qu’elle apparente au vrai, se dérobe devant ces sentiers incertains. »[3]

 

Soyons dès lors plutôt attentifs à son aversion instinctive pour « la prose plate du marais » et ses longues colonnes de mots incolores et inertes. L’objet de sa recherche, l’idéal de son écriture, c’est lors d’une pause dans le récit romanesque qu’il les laisse entrevoir :

 

Et ainsi le nœud était défait, le langage libéré. Il y eut un discours devant la mairie :

tu avais trop couru (…) pour bien suivre le sens des mots. Les mots sont à la surface,

ils témoignent pour le chant et la danse et le rythme éternels. Les mots sont nécessaires

(…). Mais il y a des moments où il n’est pas urgent de les écouter (…).[4]

 

Ces mots « de surface », Édouard Glissant a su très tôt les tenir pour négligeables, tant ils ne sont qu’épiderme ou écume. Déjà dans Le Sang rivé, nous pouvons lire : « La dernière mission fut d’égarer le mot dans la surdité foisonnante Tropique brûlée. »[5] Égarer le mot ? C’est exaucer le vœu le plus ardent des surréalistes. Désapprendre, se dépouiller, comme font ces peintres qui s’appliquent à travailler de la main gauche afin de se rendre malhabiles, ou, suivant l’exemple de Paul Éluard, s’acharner à « tout perdre » ? Plus près de nous, Paul Celan portera cette « mission » à la résonance troublante jusqu’à ses conséquences les plus extrêmes, sur le plan de la création comme dans son existence elle-même.

Certes il s’agit bien, dans semblable mission, d’un renoncement. Perte des repères rassurants de la vie quotidienne et de ses liens, lorsque se fait hésitante la nature et la fonction d’un vocable, ainsi dans Roche:

 

Je roule calloge l’eau la vague l’écume je me lave roche la mer paresse

dans mes golfes la mer inonde ma présence[6]

 

Flottantes ici et poreuses, les valeurs de chaque terme, dont on ne parvient à décider s’il s’agit de verbes ou de substantifs, aussi bien pour « paresse » que pour « écume », et même jusqu’à « lave », tant le poète nous a accoutumés à l’image des torrents déversés par le volcan. Il serait facile d’accumuler les exemples. Nous nous trouvons bel et bien face à ce « chant désarticulé »[7] qu’évoqueront beaucoup plus tard Les Grands chaos et qui érigeront cette désarticulation en méthode créatrice. Ainsi :

 

Quel augure de délacer

Le nid où sont nassés les mots

Turbulence tourbe nouées

Dans une faille qui chavire.[8]

 

Ou aussi :

 

Où vont (…),

Où, les embrassures de terre

Les embruns d’air déraisonné.[9]

 

Et encore :

 

Ras du sel de mai, cayali

Qui scellait étoile en midi

Sa voyance est de plume folle

Il s’est noyé dans un mécrit.[10]

 

Il m’est permis d’entendre, dans ce passage empreint d’autodérision concluant sur un « mécrit », l’aversion qu’éprouvait Paul Celan pour tout épanchement personnel dans l’expression poétique ; il se pardonnait difficilement la moindre complaisance dans ce domaine, et laissait éclater son dépit contre « das Meingedicht, das Genicht » (« ce mon-poème, ce non-poème »).

Oui, l’écriture poétique progresse en un cheminement hasardeux, prenant délibérément le risque d’une perte de soi. Perte féconde pourtant ! D’heureuses surprises, des rencontres imprévues peuvent l’attendre :

 

ceux qu’Histoire a débattus et jetés là. Mais aussi la parole déroulée de leur errance.

Ils détournent la raison suffisante de ces langages dont ils usent, et c’est par des contraires

de l’ode et de l’harmonie : des désodes. Ils comprennent d’instinct le chaos-monde (…).

Leurs dialogues sont d’allégorie (…) science non sue, idiomes baroques de ces

Grands Chaos. Venus de partout, ils décentrent le connu. Errants et offensés, ils enseignent.[11]

 

Ce passage résumerait-il un « art poétique » d’Édouard Glissant ? Sa richesse peut se ramener à ce constat très simple : le langage poétique est l’envers de la langue, et cet envers n’est autre que la vie retrouvée, le mot rendu à la vie ; et par conséquent, la source d’un savoir authentique. Comment se manifeste cette vie ? Comment le sang se remet-il à circuler dans ces mots, et le cœur battre à nouveau à l’intérieur du langage ?

 

  1. La Parole poétique, ou « la vie à vif »

 

Une parole incarnée. Du monde silencieux qui nous entoure, le poète nous avertit à maintes reprises qu’il est déjà Parole :

 

Et vous à peine devinant ce remous d’étoiles et de lierres, faites mystère

ainsi que lui de ce silence où bruit la ville.[12]

 

N’est-il cependant pas davantage encore une réalité palpable, charnelle ? Un personnage de La Lézarde en ressent la présence puissante :

 

La jeune fille (…) marcha toute la nuit parmi les ombres affolantes (…) sans entendre

le bruit multiplié de sa propre marche dans la splendeur noire, sans rien entendre qu’en

son cœur un silence encore étonné, un silence qui avait pris corps et qui était maintenant

l’âme sans âme de sa chair.[13]

 

Autour de nous, et même en nous : enveloppe charnelle, voire principe vital de notre être, ce silence prend en charge la parole poétique et prolonge cette vie dans ses mots.

Sa présence constitue, pour reprendre la formule de Goethe, un « manifeste secret » : si évidente qu’elle passe inaperçue. Comme ces espacements qui séparent les fragments d’énoncés les uns des autres, rendant caduque la ponctuation ordinaire. Remarquons au passage que cette disposition donne aux mots une liberté bien plus grande que chez bien des surréalistes ; elle s’éloigne davantage encore de la disposition presque néo-classique de Saint-John Perse.

Syntaxe jetée par-dessus bord ; fréquente élimination des indicateurs de causalité et de succession, ces choix participent-ils d’une volonté d’obscurité ? Avant d’en décider, observons plutôt l’immense bénéfice qu’en retire le poète : une relation entre les plus infimes atomes du tissu de la langue. Leurs ramifications se diversifient à perte de vue. Une fois libérés du « contexte » ‒ ce terme honni de toutes les avant-gardes, picturales aussi bien que littéraires ‒, les mots mettent en évidence leurs rimes. Rimes en finale du vers, dans les poèmes strophiques relativement rares, mais abondantes au sein des vers libres, ainsi dans Les Grands chaos :

 

Il fouilla Morne et sables morts. Et sous le sable,

Morts vaquaient les mots,

Tortus d’être vacants.

Il enta les mots

D’encan de treize langues se tramant

Dans l’unité blessée.[14]

 

Ou encore, dans ce qui ressemble à un bref autoportrait poétique et à une discrète critique de Saint-John Perse :

 

Il entreprend la strophe dure où n’est vanté

Ni l’ample du verset ni la douceur de l’acclamée

Mais vents y coulent, chutes houles.[15]

 

Cependant que les rimes internes se multiplient et se répondent à l’infini ; limitons-nous à quelques exemples : « les aimants des Hauts et des purs diamants », ou :

 

Le pays

S’élonge tel un songe où pas une eau ne bruit.[16]

 

Rimes qui se prolongent en assonances ou en sonorités se répercutant comme pierres plates rebondissant sur la surface des eaux, ce sont tantôt

 

D’ombre, bois durci, sucrier

Noir de cri plus que de doux mis[17]

 

tantôt

 

Ortolan, dont on dit le rythme

Zortolan zortolan bénis (…)

Leur vent

A tourné à mévent maudit.[18]

 

Fertilité inépuisable des homophonies, des redoublements, des inversions ! Ces jeux sonores resteraient cependant futiles s’ils n’étaient soutenus, emportés par un rythme constant. Rythme[19] manifeste, volontaire parfois :

 

Ce sont les mots de la Mesure

Et le tambour à peine tu

Au tréfonds désormais remue

Son attente d’autres rivages.[20]

 

Rythme annoncé et audible encore dans la sonorité assourdie du tambour ; mais auquel bientôt ne suffit plus la dimension purement acoustique, car le poète cherche à atteindre une zone rythmique plus secrète, à peine perceptible :

 

(…) Approche d’un temps primordial, terre et eau mêlées, où le rythme de la voix

est élémentaire : ici, battu de huit cadences. Tout se fond en cette mer et cette terre :

Mythologies, la nuit africaine, le Vésuve imaginé, les caribous du Nord. L’écho-monde

parle indistinctement (…)[21]

 

« Cadence » effectivement observable dans le chant strophique cité plus haut, « mesure » voulue comme respiration et nécessaire mise à distance de la pression qu’exerce le Vivant :

 

Je n’écris pas pour te surprendre mais pour vouer mesure à ce plein d’impatience

que le vent nomme ta beauté. Lointaine, ciel d’argile, et vieux limon, réel. Et l’eau

de mes mots coule, tant que roche l’arrête.

 

Aussi bien cette « mesure » est-elle claire conscience de ses propres limites ; forte est sa tentation de s’abandonner à la dé-mesure qui la nourrit et peut-être la fonde. Sous le rythme frappé se laisse percevoir une vibration profonde, basse continue qui nous accompagne secrètement, de même que chaque mot semble inséparable de son contraire, d’une signification cachée se dévoilant à la faveur d’un léger décalage ou déplacement. Comme s’il existait un envers ou un Autre de la Parole. De cela il découle que si, chez Édouard Glissant, la poésie est d’abord chant, elle ne se borne pas à sa dimension sonore ou musicale. Elle ne peut s’empêcher de sonder cet « envers » de son langage, c’est-à-dire à ce qui fonde sa créativité même.

Créativité qui présente un double aspect. Elle est d’abord un mode de pensée : rebelle à la démarche rationnelle, déductive et démonstrative, elle procède par effets de contiguïtés, par enchaînements sonores, par tout ce que récuse la « saine » logique ; ce type d’association peut, en mainte occasion, favoriser des rapprochements entre des réalités contradictoires, dont le choc a fait les délices de l’esthétique surréaliste – et déjà de celle de Lautréamont. Ne rappelons que pour mémoire cet axiome de Pierre Reverdy : « Plus les rapports de deux réalités rapprochées sont éloignées et justes, plus l’image sera forte et plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique. »[22] Limitons-nous, pour Édouard Glissant, à cet unique exemple :

 

Nous veillons à cueillir en la fleur d’agave

La brûlure d’eau où nous posons les mains.[23]

 

L’eau d’une source ou d’un ruisseau peut-elle « brûler » ? Il arrive en effet que par un violent contraste, une sensation ne puisse être immédiatement identifiée et que l’on puisse confondre le froid et le chaud. Ainsi procède la poésie, par similitudes, renversements, sauts dialectiques. Son agilité restitue au langage sa vitalité perdue, en même temps qu’elle permet à André Breton de trouver ce « filon précieux » où s’alimente un mode de pensée.

Il n’en irait pas ainsi, n’était l’essentielle ouverture créée par sa rupture avec le régime autoritaire qu’est l’ordre syntaxique. Mais ce qui vaut pour le surréalisme urbain, français et plus largement européen, ne suffit pas à caractériser celui d’Édouard Glissant : tout comme Saint-John Perse ou Malcolm de Chazal, sa vitalité prend sa source dans les énergies d’une Nature puissante et insulaire. C’est de ses forces élémentaires qu’il se nourrit, en même temps qu’il leur rend justice.

 

Énergies de la parole de l’île. Et tout d’abord de la terre, dont la couleur infiniment variée l’émerveille. Elle procurait déjà à Saint-John Perse l’occasion d’un voyage imaginaire :

 

La terre vaste sur son aire roule à pleins bords sa braise pâle sous les cendres.

Couleur de soufre, de miel, couleur de choses immortelles, toute la terre aux herbes

s’allument les pailles de l’autre hiver (…). Un lieu de pierres à mica ! Ce sont de grandes

lignes calmes qui s’en vont à des bleuissements de vignes improbables. La terre en

plus d’un point mûrit les violettes de l’orage ; et ces fumées de sable qui s’élèvent

au lieu des fleuves morts, comme des pans de siècles en voyage.[24]

 

On trouvera sans peine chez Édouard Glissant nombre de passages similaires. À cette différence près que ce dernier ne se contente pas de contempler le paysage enchanteur. Il est là pour le travailler, au sens concret de ce terme. Son origine paysanne l’en avertit (il ne manque pas, dans l’interview citée plus haut, de rappeler que son père était ouvrier agricole), qui fait de l’écriture une action sérieuse et non une occupation oisive :

 

tout homme est créé pour dire la vérité de sa terre, et il en est pour la dire avec les mots,

il en est pour la dire avec du sang, et d’autres dans la vraie grandeur (qui est de vivre avec

la terre (…) et de la conquérir comme une amante) (…)[25]

 

D’où la fréquence, jusque dans ses œuvres tardives, d’un vocabulaire évoquant le travail de la terre :

« emblavures », « ensemencement », « labeur », « bêcher », « déssoucher » ; ou les termes évoquant directement ou par association, la charrue et la tracée d’un sillon. Il en va de même pour son attention à la qualité du sol, argileux ou sableux, à ce qui le stérilise ou le fertilise, ou selon les proportions de ce qui le compose, le « ravage » ou le nourrit : lave déferlant du volcan ou « sel noir ». Du paysan ou du poète, lequel est ici désigné ? La confusion est manifestement volontaire, tant leurs activités sont parentes, opérations à la surface parfois doublées d’une exploration des entrailles :

 

Le poète descend, sans guide ni palan, sans rive ni

sextant ni clameur demeurant

Et l’empreint de volcan l’ouvre d’une eau de sable.[26]

 

Frères jumeaux, le paysan et le poète ? Ou ce dernier ne serait-il que l’autre face du paysan, l’envers de son visage ? De même qu’il a été à la recherche de l’envers du langage, voici qu’« Il marcha dans l’envers de la terre (…) Il tombait dans l’envers de sa vérité (…) L’envers de sa vérité lui dit (…)[27]

 

« Il dit le vrai, celui qui dit l’ombre », affirmait, quelques décennies avant Édouard Glissant, Paul Celan. Parler poétiquement, c’est explorer cette obscurité :

 

Toute parole est une terre

Il est de fouiller son sous-sol

Ou un espace meuble est gardé[28]

 

Aussi est-il conseillé de « Ne pas craindre les profondeurs. On y voit passer les personnages d’un mythe sans fonds (…) Quand le voyageur se réveille d’un tel fleuve, la lave vient en sable aux plages sans marée. Émergence de la parole, tout au sud de l’imaginaire. Elle déroule et oriente. »

Car cette exploration est « Descente aux connaissances », et le message de la terre est prescriptif : « j’ai cette terre pour dictame. »[29] Toute parole vraie, qu’il nous est désormais permis de qualifier de « connaissance », procède donc de cette profondeur obscure. Double voyage, descente puis « émergence », échange où le mot a été rendu à la matière, et la matière à la parole :

 

O de ce langage qu’est toute pierre pourvue de chair (…) de ce langage

violent et obscur qu’est la racine douée de chair (…)[30]

 

On sait la fascination qu’ont éprouvée les surréalistes pour le monde minéral et son potentiel magnétique, à commencer par Roger Caillois, suivi de Breton méditant sur La langue des pierres. Mais dans l’immédiat, c’est, me semble-t-il, un autre processus qui mérite notre attention : le langage soit-disant « courant » nous a rendus sourds à l’acte de nommer. Voyageurs sans racines, orphelins de l’Être, nous parlons en somnambules. Pour Édouard Glissant qui aspire à une parole « enracinée », donner un nom, c’est élever une créature quelconque – humaine, animale ou manifestation tellurique, à la dignité d’un être. C’est la désigner comme apparition ou événement unique. La portée de cette affirmation est sans doute élevée à une intensité plus grande sur une île tropicale : l’isolement géographique confère aux éléments du paysage, ainsi qu’aux phénomènes naturels, la dimension d’un drame dont ils deviennent autant de protagonistes. Ce « Champ d’îles » possède, au sens précis du terme, un caractère choral. Chaque forme, chaque événement y apporte son énergie ou sa voix. Celles-ci sont trop constantes, trop parentes pour qu’on s’attarde à les dénombrer – volcan, rivières, plaines, vents, enfin et surtout l’océan – et à en rapporter les paroles en détail. Mais toutes sont porteuses de messages et posent avec insistance la question de leur origine.

Question essentielle, à la réponse de laquelle est suspendue non seulement celle du contenu de la poésie, mais aussi celle de sa possibilité.

Quel est le risque pris par le jeune Édouard Glissant au moment où il s’ouvre à la parole poétique ? C’est moins de s’exprimer que de se mettre à l’écoute. Le silence de la terre, du volcan ou des flots lui sont autant d’indices d’un drame qui l’interroge et l’appelle :

 

Et le sel vient-il de la mer

Ou de cette voix qui circule ?[31]

 

Cette voix se fait peu à peu plus précise en ses articulations :

 

Nous avons pris main dans l’alphabet roué

Aux brumes de ces mots voilé le cri, éclaboussé

Le long cri des oiseaux précipités dans cette mer

Et nous avons aux mers plus d’écriture qu’il paraît (…)[32]

 

Et bientôt ce sont des mots, indistincts encore :

 

Voici musique d’algues et de gommiers (…)

Tant de mots rauques à plein bord

Plus rêches que cases d’ocre

Ou que masques délités.[33]

 

Ainsi remonte au jour l’épouvantable souvenir de la déportation séculaire des populations africaines vers les Antilles,

 

Des bougres dérivés du plus haut de ce temps passé (…)

En mitan de la case, ils récitaient sur l’eau

Les malédictions enfoulées (…)

De même mémoire arrima le cri

du conte prophète et du vent qui dit.[34]

 

Si la mission du poète consiste à « nommer », alors il lui faut bien convertir ce cri obsédant, cette « rumeur inlassable de la mer que le cri fêle »[35] en un langage ou, selon sa propre formule, à « lui offrir un convenir de langage et d’obscurité ». Ce qui revient à accepter l’épreuve la plus douloureuse, dont – significativement sans doute – Édouard Glissant ne pourra rendre compte qu’assez tardivement, dans Poétique de la Relation. Ce cri, dit-il en substance, est d’effroi, de détresse absolue, à l’extrême opposé de celui que pousse un nouveau-né au sortir de la matrice. Et le poète refait mentalement le chemin des êtres capturés, arrachés au giron de leur forêt équatoriale, ligotés sur une pirogue descendant le long d’un fleuve si large qu’ils ne peuvent en apercevoir les bords. Ce voyage est une course au néant, qui se poursuit dans l’enfer d’une cale de vaisseau négrier. Combien de millions d’entre ces malheureux seront-ils sacrifiés, malades, moribonds, jetés par-dessus bord avant que le navire parvienne à destination ? Des êtres jamais nés puisque morts sans sépulture : tout simplement disparus. L’océan garde son secret mais laisse entendre la rumeur du crime innombrable et le laisse deviner au poète : « Il voit l’écume originelle, la première suée de sel. L’Histoire, qui attend. »[36]

 

Naissance du poète. Ce récit est bien un avènement : nommer, si ce n’est faire naître, c’est du moins situer l’origine, c’est faire advenir à l’existence les peuples oubliés depuis des siècles ; c’est donner acte de leur naissance. Observons la double portée de ce geste : celui qui nomme ici ne désigne pas seulement les destinataires de son acte. Il s’instaure lui-même, s’extrait lentement de son brouillard intérieur, « de la trappe de l’horizon la serre à dénouer l’enfance la mystérieuse »[37], se découvre descendant d’une lignée de martyrs : « Ainsi je fus, colonie d’enfants martyrs de chiens trouvés de squales non convertis. Ô la souffrance, ce battement du vent dans les rues. »[38] Il se rend légitime, se fonde comme origine d’une parole. Il naît à la poésie – de même que le Don du poème se voulait, chez Mallarmé, à la fois réception d’un message et intronisation de celui qui le diffusait à un auditoire.

D’où provenait, chez celui en qui le mouvement symboliste trouvait à la fois son point culminant et son achèvement, ce don ? Essentiellement de l’héritage d’une culture millénaire. Or Édouard Glissant ne se sent nullement porté par un tel héritage. À Pierre Desgraupes qui met l’accent sur cette absence, l’auteur de La Lézarde répond sans hésiter : « Oui, je suis obligé de me dire. » À ses yeux, dire « je » est le premier pas d’un Antillais qui prétend prendre la plume, puisqu’il n’a d’autre moyen d’affirmer sa légitimité. Affirmer, c’est effacer une négation première, celle qui interdit jusque dans sa chair la plus timide expression :

 

Or je suis dans l’histoire jusqu’à la moindre moëlle. Séculairement installé (…)

elle roule en moi ses graviers. J’attends, mangeaison du poème, les roses Oui

je suis morcellement

dans la musique

nocturne (…)

Non pas voix, mais rumeur (…)[39]

 

III. Politique de la poésie.

 

Et cette attente annonce sans ambiguïté un désir naissant, nourri d’une pulsion collective, où celle des disparus se mêle à celle des vivants. C’est la volonté d’accéder enfin à la lumière : « Au nom de démarquage poétique, pour témoigner d’une splendeur morale. Je m’oblige à saluer : l’homme, ce lumineux désir de chant. Vocatif, trop ! »[40] Quand vocation enfin parvient à se traduire en voix, la naissance du poète fait advenir à l’existence un peuple entier, le chant est d’allégresse et « La forêt subitement hurle à la vie. »[41]

Se produit en même temps cet autre miracle : le poète peut désormais disparaître en tant qu’individu, et se fondre dans le chant universel (disparition nécessaire, la vocation étant tout le contraire d’une profession). Cette communion repose cependant sur une assise constamment fragile ; en témoignent ces balancements entre « je », « vous », « nous » ou encore « l’absente ». Grâce au héros singulier qui la fonde, la communauté se fait créatrice, se trouvant animée, comme le souhaitait Rilke, du souffle de cet être unique – « O Einer, o Keiner »  (Ô toi l’Un, ô toi l’Aucun).

Communauté poétique et non politique – ou plutôt, qui est capable d’englober et de sublimer le politique en ce qu’elle s’investit d’une mission créatrice. Mission que lui confère, aux yeux d’Édouard Glissant, sa situation géographique. Chacune des îles des Caraïbes se trouve certes coupée de toutes les autres ; cependant un lien invisible, une « géographie souterraine » les réunit, comme si l’océan constituait l’inconscient immémorial de leur dissémination en archipel. Inversion des valeurs, retournement en force de ce qui était faiblesse, en relation ce qui était séparation. En chaque île se rassemble tout ce qui la compose et y forme un organisme nécessaire, rayonnant sur les autres îles en un dialogue sans fin. Dans l’ordre du langage, l’archipel rend ainsi visible la nature même du vocable dès lors qu’il s’inscrit dans une parole poétique : arraché à la monotonie du « contexte », son isolement au sein de la page le rehausse, le fait émerger à son tour, rayonner en pleine lumière.

 

Un vocable, une phrase : signes magiques

D’où s’élèvent la vie révélée, le sens soudain.

Le soleil se tient immobile, les sphères font silence,

Et vers ce vocable se concentrent toutes choses,[42]

 

s’extasiait, voici près d’un siècle, le poète expressionniste Gottfried Benn.

Fusion cosmique d’un moi ou d’une subjectivité collective fatalement précaire puisque née d’une fulguration visionnaire. Mais dans toute sa fragilité, elle recueille des « connaissances » inaccessibles à la rationalité scientifique ou politique : par exemple une relation secrète, malgré la distance spatiale et temporelle, entre un mythe de l’Égypte antique avec certains rituels caribéens, ou encore, renforçant sur ce point la proximité entre Glissant et André Breton, la vision d’une île de Pâques en tant que foyer de symboles et cœur de « liaisons magnétiques » affolant les boussoles à des milliers de kilomètres à la ronde.

Se réaliserait-il ici, ne serait-ce que par instants, l’espoir d’une « sympoésie », voire d’une « symphilosophie » que caressait Novalis ? Cette leçon du maître aux disciples à Saïs avait valeur prophétique pour André Breton :

 

Les hommes marchent par des chemins divers. Qui les suit et les compare verra  naître d’étranges figures (…) qui semblent appartenir à cette grande écriture chiffrée que l’on rencontre partout sur les ailes, sur la coque des œufs, dans les nuages, dans la neige, dans les cristaux (…). On y pressent la clef de cette écriture singulière et sa grammaire. Mais ce pressentiment ne veut pas se fixer dans une forme (…). Ce n’est que par moments que les peines des humains et leurs désirs paraissent prendre corps.[43]

 

Nul doute qu’Edouard Glissant puisse partager lui aussi ce rêve, même si le sien reste loin de « l’harmonie » chantée par Hölderlin, loin également de la forme atténuée de l’harmonie à laquelle s’était résignée le poète dans sa formule « l’Un en sa diversité ». Aux romantiques, Édouard Glissant renvoie l’écho du « Tout-Monde », qui annonce un chaos ; chaos infiniment ramifié où il recueille les débris d’une sagesse et d’un savoir précieux chez les sans-abris du faubourg Saint-Germain. « Traces », précisément, de ces « liaisons magnétiques » qui lui sont une raison suffisante d’optimisme. La violence vertigineuse du chaos où s’enfonce aujourd’hui le monde n’invalide en rien la vision généreuse d’Édouard Glissant, bien au contraire. Non survivance, mais permanence à travers lui, du message surréaliste.

 

Georges Bloess, Paris, février 2023

 

 

 

 

Ouvrages consultés

 

 

-Édouard Glissant,      Poèmes complets, Paris, Gallimard, 1994

–                                  Le Sel noir, Paris, col. « Poésie », 1983, avec préface de Jacques Berque

–                                  Poétique de la Relation, Paris, Gallimard, 1991

– François Noudelmann, Françoise Simasotchi-Bronès, Yann Toma (dir.), Archipels Glissant, PUV, 2020

– sites internet pour Édouard Glissant, La Lézarde, et Saint-John Perse, Éloges

 

 

 

[1] In : Poétique de la Relation, Paris, Gallimard 1991.

[2] Breton-Masson, Dialogue créole, cité in : Île Rocher / Île Mangrove, Éléments d’une pensée archipélique dans l’œuvre.

[3] Poétique de la Relation, o. c., p. 44

[4] In : La Lézarde, extrait de citations du roman recueillies sur le site internet, sans indication de page.

[5] Novembre, o. c., p. 14.

[6] In : Le Sang rivé, in : Poèmes complets, Paris, Gallimard 1994, p. 47.

[7] o. c., p. 399.

[8] Ibid., p. 402.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Ibid., p. 409.

[12] Un champ d’îles, o. c., p. 12.

[13] Cf. note 2.

[14] O. c., p. 465.

[15] O. c., fin du recueil, sans indication de page par l’éditeur.

[16] Pays rêvé, pays réel, in : o. c., p. 294.

[17] Les Grands chaos, o. c., p. 403.

[18] Ibid.

[19] Un champ d’îles, strophe 19.

[20] Les Grands chaos, o. c., p. 399.

[21] Pays rêvé, pays réel, o. c., p. 338.

[22] Formule reprise par André Breton dans son Premier manifeste du Surréalisme, rééd. Idées Gallimard 1972, p. 31.

[23] Ibid., p. 337.

[24] Éloges, extrait recueilli sur le site Booknode, sans indication de page.

[25] La Lézarde, cf. note 4.

[26] Les Grands chaos, o. c., p. 458.

[27] Ibid.

[28] Un champ d’îles, strophe 26.

[29] Pays rêvé, pays réel, o.c., p.345.

[30] Un champ d’îles, o. c., p. 9.

[31] Un champ d’îles, o. c., strophe 8.

[32] Pays rêvé, pays réel, o. c., p. 344.

[33] Ibid.

[34] Les Grands chaos, o. c., p. 460/461.

[35] Le Sel noir, o. c., p. 169.

[36] Ibid., p. 171.

[37] L’air nourricier, Le Sel noir, Paris, Gallimard col. « Poésie », 1983, p. 42.

[38] Éléments, ibid., p. 41.

[39] Ibid., p. 39/40.

[40] Ibid.

[41] Ibid.

[42] Gottfried Benn, Statische Gedichte (Poèmes statiques). Je propose ma traduction personnelle de cette strophe.

[43] Novalis, Die Lehrlinge zu Saïs, 1798 (Les Disciples à Saïs, trad. Armel Guerne illustrée par André Masson, Paris 1939).