Cuba

Écrit par Noudelmann François (Paris) Administrateur 29 janvier 2018

CUBA

 

 

 

La révolution cubaine, en 1959, suscita un immense espoir parmi les mouvements anticapitalistes, tout particulièrement dans les Caraïbes. Cet affranchissement d’une tutelle impérialiste comme celle des Etats-Unis devint tout de suite un puissant symbole politique. Glissant était alors engagé dans les groupes anticolonialistes de la communauté antillaise à Paris. A peine venait-il de créer le Front Antillo-Guyanais pour l’Autonomie qu’on lui proposa, en avril 1961, un séjour dans l’île socialiste, dans le but d’apprendre et de nouer des contacts. Au même moment un millier de cubains, appuyés par la CIA, débarquaient dans la Baie des Cochons pour tenter de renverser le gouvernement révolutionnaire. L’offensive ayant échoué, Glissant put atterrir à Cuba le 28 avril 1961, après un périple aérien fait de nombreuses escales.

 

Enthousiaste, il écrivit un journal de voyage où il consigna aussi bien les informations données par le régime sur les progrès de la Révolution que ses impressions sur les cubains et sur les paysages proches de la Martinique. Comme tous les visiteurs, Glissant fut guidé par deux cadres révolutionnaires qui lui firent découvrir l’île, La Havane et les lieux héroïques de la nouvelle histoire en cours. A l’instar des militants indépendantistes et anticapitalistes venus s’instruire, il nota positivement les chiffres de la production agraire, les argumentations politiques des dirigeants, les réquisitions des propriétés au profit du peuple. L’omniprésence des portraits de Fidel Castro et de sa phraséologie lui paraissait moins relever de la propagande que d’un geste libérateur. Lors de son périple d’Est en Ouest, de Pinar del Rio à Santiago de Cuba, il fut particulièrement sensible à une réforme qui le touchait plus que les autres : la campagne d’alphabétisation qui mobilisa les enfants et adolescents de toutes les origines, alors que la discrimination raciale avait privé la population noire d’accès à la culture, sous le précédent régime. Quand il n’était pas guidé sur les chemins de la pédagogie révolutionnaire, Glissant s’émerveillait de la beauté de cette île qu’il considéra toujours comme la plus belle des Caraïbes. Il y côtoya des artistes, comme le peintre Wifredo Lam, l’architecte Ricardo Porro et l’écrivain Eduardo Manet.

 

Il fit de nouveau des séjours à Cuba, une fois installé en Martinique et dirigeant l’Institut Martiniquais d’Études, notamment lors de la Carifesta de 1979, un festival des arts caribéens. Accompagné de René Depestre et d’Ernest Pépin, il rencontra le poète Nicolás Guillém et Fidel Castro. Malgré la dérive dictatoriale du dirigeant et l’instauration d’une terreur révolutionnaire qui visa les écrivains et intellectuels indépendants, Glissant ne voulut jamais exprimer publiquement de critiques à l’égard du régime cubain. Il ne s’associa donc pas aux protestations des intellectuels de gauche qui condamnèrent la trahison des espoirs révolutionnaires cubains. Son œuvre est traduite et diffusée dans l’île, soutenue par son amie Nancy Mojerón, poétesse cubaine.