Mahmoud Darwich

Écrit par Robillard Guillaume (France) 30 janvier 2018

Mahmoud Darwich

 

Mahmoud Darwich[1] fait partie des poètes auxquels Édouard Glissant rend hommage dans son œuvre. Dans La cohée du Lamentin[2], ce court texte intitulé Élégie pour Mahmoud Darwich :

« Le vent d’Afrique a déhalé sur l’Atlantique, et nous fait offrande. Les doux pollens d’Agadir, tant de lucioles bleuies d’Ibadan, les gemmes frémissantes nourries aux sables de Djenné, la parole du poète emprisonnée dans son vol de cailloux fébriles (nous soulignons). Le vent s’émeut à Panamá, entre les Amériques, fuse au canal, il ouvre sur l’île de Pâques où il repose, et il dévale les espaces nés des simouns d’Orient. La parole du poète dessouchée de la terrible poussière des combats. Les ciels ouverts aux horizons, partout la passion lente des mangroves, et cette amande inattendue au cœur des mots. (nous soulignons) »

Dans La terre le feu l’eau et les vents/Une anthologie de la poésie du tout-monde, l’anthologie poétique composée par Édouard Glissant, figurent trois poèmes de Mahmoud Darwich : Psaume cli, Onze astres sur l’épilogue andalou, Dispositions poétiques.

Au cours du Prix Carbet de la Caraïbe 2009 (Prix littéraire présidé par Édouard Glissant de 1990 à 2010), édition à laquelle fut invité Ilan Halevi[3] (« de naissance israélienne et Vice-Ministre des Affaires Étrangères de la Palestine », selon les mots de Glissant[4], tenant à souligner là « l’extrême complexité et l’extrême densité d’une telle existence »), une soirée poétique a rendu hommage aux textes du poète palestinien, en plus de textes de Nancy Morejón, Henri Corbin, Abdelwahab Meddeb, Monchoachi, Ernest Pépin, Joseph Polius. Au cours de la cérémonie de remise du Prix Carbet, Édouard Glissant a tenu à préciser : « Nous avons rendu hommage et appris à fréquenter un […] très grand poète qui est M. Mahmoud Darwich[5] qui est un poète vraiment important dans le monde d’aujourd’hui et qui est un poète qui a écrit le texte de la Déclaration d’Indépendance de la Palestine en 1988. »

On peut aisément concevoir l’intérêt particulier du poète martiniquais pour le poète palestinien dont la poésie chantait pour son peuple en manque de terre (qui lui appartienne en propre) comme d’État. En effet, il n’est sans doute pas nécessaire de rappeler le positionnement indépendantiste[6] de Glissant, en particulier à travers la co-fondation du Front antillo-guyanais (le Front des Antillais et Guyanais pour l’autonomie – FAGA) au côté d’Albert Béville (de son nom d’auteur Paul Niger), Cosnay Marie-Joseph et Marcel Manville, activité politique qui valut au poète d’être assigné à résidence en France hexagonale par le Général de Gaulle de 1961 à 1965.

Mise en relation de poétiques (de terres comme d’horizons) en échos de luttes politiques…

 

 

[1] Des poèmes de Mahmoud Darwich sont accessibles ici : http://poesie.pourlapalestine.be/poetes-dune-parole-essentielle/category/mahmoud-darwich/poemes-de-mahmoud-darwich/

[2] La cohée du Lamentin, Paris, Gallimard, 2005

[3] Pour plus d’informations sur Ilan Halevi, consulter ce site : http://www.palestine-studies.org/jps/fulltext/165588

[4] Discours d’introduction de la soirée de remise du Prix Carbet 2009, Martinique, 12 Décembre 2009.

[5] Lectures de poèmes de Darwich par lui-même mises en musique par le Trio Joubran :

[6] Sur le positionnement indépendantiste de Glissant, lire l’entretien paru dans le quotidien Le Temps le 20 Mars 2009 : http://www.vers-les-iles.fr/livres/2009/Glissant_2009_1.html.

Lire également le très beau texte « Martinique » dans lequel Glissant traite de « l’indépendance de penser, de décider et d’entreprendre ». Il y précise : « Parlons à la France non pas pour la combattre, ni pour en être les servants, ni pour en être les appointés, mais pour lui dire d’une seule voix que nous allons entreprendre autre chose. […] Arrachons ceci d’abord de nous-mêmes : l’indépendance de la pensée. Allons clairement à cette utopie dont nous avons tant besoin. Faisons de la Martinique un lieu du monde, c’est notre vocation […] » (Traité du tout-monde, Paris, Gallimard, 1997, pp.226-233)