Faulkner

Écrit par Noudelmann François (Paris) Administrateur 29 janvier 2018

Faulkner

 

 

Le plus grand écrivain du XXe siècle. Ainsi Edouard Glissant considérait-il William Faulkner. Un tel jugement peut sembler surprenant, au regard de l’idéologie portée par l’écrivain du Sud des Etats-Unis, descendant d’une famille esclavagiste et déclarant que s’il le fallait, il tirerait sur des Noirs pour défendre le Mississipi contre le gouvernement des Etats-Unis. Cependant Glissant ne cèda pas à une lecture simpliste et moralisante de cette œuvre dans laquelle il décelait une analyse lumineuse de la décomposition de la société esclavagiste. Comme Marx repérant chez le monarchiste Balzac le meilleur observateur des classes sociales au XIXe siècle, Glissant crédita Faulkner d’avoir montré la fin d’un monde racial où les Blancs du Sud n’arrivaient plus à maintenir leur légitimité et leur idée de pureté. Il voyait dans l’œuvre faulknerienne une « révélation différée » et une écriture qui procède par amassement et enroulement d’un lieu qu’elle tente de circonscrire et qu’elle dévoile à travers ses vertiges.

 

Lorsqu’il arriva en Louisiane pour enseigner à Baton-Rouge, Glissant se trouva dans un État voisin de celui où habitait Faulkner et il décida d’aller visiter sa maison de Rowan Oak, à Oxford, Mississipi. Plutôt déçu par cette demeure qui ressemble à une petite plantation, il porta peu d’attention aux reliques de l’écrivain. Lors de ce voyage il éprouva aussi la ségrégation persistante de ces Etats du Sud dans lesquels Noirs et Blancs restent radicalement séparés. C’est donc plutôt dans les romans et les nouvelles de Faulkner qu’il se délecta d’une écriture admirable, même s’il n’y accèdait que par les traductions françaises. Lorsque ses amis lui rendaient visite à Baton Rouge, il les emmènait à la Nouvelle-Orléans pour voir la librairie Faulkner. Lumière d’août était son roman préféré, cependant il étudia particulièrement Sartoris, Le Bruit et la Fureur, et surtout Absalon, Absalon! dans lequel il déchiffrait les rêves de fondation, de dynastie, d’atavisme et leur intrication dans un monde fatalement divers et mélangé. Lorsqu’il quitta Baton Rouge pour New York, il achèva son livre sur Faulkner, un essai à la fois biographique et poétique où se tisse le croisement improbable d’un auteur caribéen avec l’écrivain sudiste. Faulkner, Mississipi parut chez Stock en 1996.