Strasbourg

Écrit par Wald-Lasowski Aliocha (France) 27 janvier 2018

STRASBOURG

 

Ville fondatrice du Parlement International des Ecrivains (1993-2003)

 

En juillet 1993, à la suite de l’assassinat de l’écrivain algérien Tahar Djaout, soixante intellectuels se réunissent à Strasbourg, à l’initiative du Carrefour des littératures animé par Christian Salmon. Ils décident de créer une structure internationale capable d’organiser une solidarité concrète avec les artistes victimes de persécutions exercées par les dictatures politiques et religieuses dans le monde. Le Parlement international des écrivains voit le jour au cours de l’automne, à Strasbourg, inaugurant une série de réunions annuelles.

Au moment de sa création, plusieurs rencontres sont organisées à Strasbourg : le 4 novembre 1993, le Parlement international des écrivains programme le colloque « Le droit à la littérature », qui réunit Edouard Glissant, Octavio Paz, Adonis, Pierre Bourdieu, Susan Sontag, Mohammed Dib et Toni Morrison. Deux jours plus tard, le 6 novembre, une journée de réflexion a lieu sur le thème de « la prose du monde », avec Giorgio Agamben, Edouard Glissant, Toni Morrison, Matta, Jacques Courcil, Paul Virilio et Luis Sepúlveda. L’objectif est de créer de nouveaux espaces d’échange et de solidarité pour défendre la liberté de création partout où elle est menacée. Dans l’après-midi du 6 novembre, un dialogue public est proposé place Kléber, toujours à Strasbourg. Débat exceptionnel entre Derrida et Glissant, sur le thème « Ecritures du divers », qui poursuit leur précédent dialogue au colloque « Renvois d’ailleurs » (Echoes from Elsewhere) d’avril 1992 au Centre d’études françaises de l’Université de Louisiane à Bâton Rouge, aux Etats-Unis.

Présidé successivement par Salman Rushdie (1994-1997), Wole Soyinka (1997-2000) et Russell Banks (2000-2003), le Parlement compte aussi trois vice-présidents successifs : Edouard Glissant, Pierre Bourdieu et Jacques Derrida. Après Strasbourg, le Parlement international des écrivains se réunit en 1994 à Lisbonne. Glissant y prononce, le 20 juin, une conférence consacrée à « la grand’scène du monde », où il affirme : « Exils, errances, déracinements, ré-enracinements, citoyennetés multiples, désir de la nation, refus de la nation… sont autant de figures de la précipitation chaotique du monde actuel. » Le Parlement intervient en 1995 pour tenter de sauver l’écrivain et journaliste noir Mumia Abu-Jamal, condamné à mort aux États-Unis. Comme l’écrit Derrida, « la menace de mort qui pèse sur Abu-Jamal est analogue à celle qui, un peu partout dans le monde aujourd’hui, tente de réduire au silence (par le meurtre, la prison, l’exil, la censure sous toutes ses formes) tant d’intellectuels ou d’écrivains ». Plus de cinq cents écrivains signent la pétition adressée au gouverneur de l’État de Pennsylvanie. Parmi les signataires de la demande de révision du procès et d’annulation de l’exécution, Adonis, Paul Auster, Pierre Bourdieu, Jacques Derrida, Edouard Glissant, David Lodge, Günter Grass, Jürgen Habermas, Peter Handke, Jean-François Lyotard, Toni Morrison, Harold Pinter ou encore Antonio Tabucchi.

De retour à Strasbourg en 1997, le Parlement international des écrivains y organise, avec l’appui de plus de trois cents intellectuels, une rencontre du 26 au 30 mars intitulée « Cosmopolites de tous les pays, encore un effort ! » pour définir l’hospitalité, le refuge et le cosmopolitisme. Reprenant ce projet, Derrida demande : « Comment redéfinir et développer le droit d’asile sans rapatriement et sans naturalisation ? » Pour explorer les stratégies de résistance et réaffirmer une citoyenneté ouverte et multiculturelle, le Parlement met en place à cette occasion un réseau de trente et une villes-refuges qui se déploie dans le monde (Mexico, Passo Fundo, Porto, Barcelone, Blois, Caen, Strasbourg, Berlin, Amsterdam, Stavanger, Helsinki…). Ce projet est soutenu par la création des revues Autodafé et Littératures publiées en trois langues (anglais, espagnol et français) par trois maisons d’édition internationales. Dans l’un des numéros de Littératures, Glissant porte l’espoir d’une nouvelle dimension de la création littéraire : « Cette espèce de frangance, de variance, d’infinie multiplicité des contacts, des conflits de langue, va donner naissance à un nouvel imaginaire. »

Aliocha WALD LASOWSKI

 

 

Bibliographie :

Edouard Glissant, « Le cri du monde », Littératures, « Hommage à Edouard Glissant », édition spéciale du Carrefour des Littératures européennes de Strasbourg, 4-8 novembre 1993.

Jacques Derrida, Cosmopolites de tous les pays, encore un effort !, éd. Galilée, 1997.

 

 

Liens :

http://www.imec-archives.com/fonds/parlement-international-des-ecrivains/