Roi de tambour Bèlè et originaire du quartier Bezaudin de Sainte-Marie où Édouard Glissant lui aussi est né, Emmanuel Casérus dit Ti-Émile (1924-1994) reste la figure de la musique martiniquaise. Il contribue à préserver la tradition de la musique rurale du Bèlè et du Bel-air, mais donne aussi à entendre la richesse culturelle de la musique afro-martiniquaise des champs au public urbain martiniquais ; il est ainsi nommé par la municipalité de Fort-de-France agent du Centre culturel Jean-Marie Serreau de la même ville. Ti-Emile sera aussi filmé dans des long-métrages tels que West Indies ou les Nègres marrons de la liberté (1979) de Med Hondo et la Rue Cases-Nègres (1983) d’Euzhan Palcy.
Édouard Glissant, amateur lui aussi de musique antillaise, entend par la voix de Sainte-Marie surgir une mémoire tant lointaine que puissante ; la musique de Casérus lui permet ainsi d’éprouver les traces des temps et l’énergie demeurant au pays, et il n’oubliera pas de rendre hommage à ce musicien incomparable ; il écrivit en 1962 pour le disque Sa sé homaj péyi (Hibiscus Record) un court texte louant la grandeur de la voix rurale du nord de son pays : « mais voici que par lui nous vient, du fond des âges, l’antique et sans rivale mélopée. C’est l’Afrique qui tout soudain nous prend. Alors il me plaît de reconnaître – ici accordée à une grave beauté, et à une « connaissance » qui ne craint pas le rire ou la moquerie de soi-même – l’image réelle de la terre antillaise » (Édouard Glissant, « Édouard Glissant et Ti-Émile en 1962 »).
Voir aussi le site magistral NOU KA SONJÉ YO et sa page consacrée à Ti-Émile :