Frantz Fanon

Écrit par Wald-Lasowski Aliocha (France) 27 janvier 2018

FRANTZ FANON

 

Intellectuel, écrivain et psychiatre (1925-1961)

 

Frantz Fanon naît le 20 juillet 1925 à Fort-de-France et meurt le 6 décembre 1961 à New York. Descendant d’esclaves d’origine africaine, il vit sur trois continents, l’Amérique, l’Afrique et l’Europe, explorant dans ses travaux trois domaines privilégiés : la médecine psychiatrique, l’essai philosophique et l’action politique.

Leader international du combat révolutionnaire, théoricien du militantisme politique, penseur fondateur du tiers-mondisme, Fanon dénonce la violence de la colonisation dans Peau noire, masques blancs (1952) et Les Damnés de la terre (1961). Son esprit contestataire fait de lui une figure majeure aux côtés d’Ho Chi Minh ou de Che Guevara. L’ensemble de son œuvre s’affirme comme une défense engagée, absolue, de l’indépendance des peuples.

Très vite, dès son arrivée à Paris en 1946, Glissant, qui fréquente les cercles littéraires et philosophiques et participe au mouvement des étudiants antillais, rencontre Fanon, alors jeune psychiatre qui se forme auprès de François Tosquelles. À l’âge de dix-huit ans, Fanon s’est engagé dans les Forces Françaises Libres, affrontant les nazis en 1943, dans les Vosges, où il a été blessé. Issus de la même génération, nés à trois ans d’intervalle, Glissant et Fanon sont proches : les deux hommes partagent la même inquiétude devant le processus de départementalisation qui touche la Martinique. Sur le plan personnel, ils vivent l’expérience douloureuse de l’exil et du déracinement ; sur le plan théorique, tous deux s’accordent pour une prise de distance avec la notion de négritude. Dans Le Discours antillais, Glissant se souvient de Fanon comme d’un homme « extrêmement sensible », « écorché vif » dont le nomadisme le poussait vers l’Algérie. Après ses études de médecine à Lyon, Fanon part effectivement, en 1953, travailler à l’hôpital psychiatrique de Blida, avant de rejoindre les rangs du FLN (Front de libération nationale).

En 1956, Glissant et Fanon font partie, avec Louis Achille et Aimé Césaire, de la délégation martiniquaise au Premier Congrès international des écrivains et artistes noirs. Dans la conférence « Racisme et culture » qu’il donne alors à la Sorbonne, Fanon dénonce l’asphyxie et la momification des peuples dues à l’oppression coloniale. Au croisement de l’existentialisme, de la psychanalyse, du marxisme et de l’africanisme, il revendique une solidarité panafricaine et une praxis anticoloniale contre l’oppression et la déshumanisation, comme Sartre le rappellera dans sa préface aux Damnés de la terre.

Poursuivant sa réflexion dans L’An V de la révolution algérienne, qui croise l’expérience médicale et l’éthique de l’histoire, en 1959, Fanon participe avec Glissant au Deuxième Congrès international des écrivains et artistes noirs, qui se déroule à Rome, en mars et avril la même année. Fanon prépare alors Pour la révolution africaine – un recueil de reportages de guerre, qui sera publié à titre posthume -, et devient en 1960 ambassadeur du Gouvernement provisoire de la République algérienne au Ghana.

En juillet 1961, Glissant et Fanon se revoient à Rome. C’est leur dernière rencontre. Glissant accompagne Léon-Gontran Damas, conseiller culturel du Réseau radiophonique d’Outre-mer. Fanon est activement poursuivi par l’OAS (Organisation Armée Secrète), l’organisation politico-militaire clandestine qui s’oppose à l’indépendance de l’Algérie par la violence et la terreur. Pour éviter d’être repéré, Fanon donne un rendez-vous insolite à ses deux amis : les trois hommes se retrouvent en pleine nuit dans un bordel de Rome qui possède plusieurs sorties, en cas de danger.

En 1961, Fanon meurt à l’âge de trente-six ans d’une leucémie, alors qu’il se trouve à Bethesda dans le Maryland, aux Etats-Unis. Il est enterré en Algérie.

Dans Le Discours antillais, qui analyse le thème sociopolitique de l’aliénation culturelle, Glissant se souvient de l’aura de Fanon, de son prestige auprès de la jeunesse : « De tous les intellectuels antillais francophones, il est le seul à être véritablement passé à l’acte, à travers son adhésion à la cause algérienne. »

Aliocha WALD LASOWSKI

 

 

 

Bibliographie :

Edouard Glissant, Le discours antillais, Gallimard, 1981.

Frantz Fanon, Œuvres, La Découverte, 2011.

Alice Cherki, Frantz Fanon. Portrait, éd. du Seuil, 2000.

Jean Khalfa, « Fanon, Corps perdu », Les Temps modernes, n° 635, novembre, décembre 2005 et janvier 2006.

Carine Mardorossian, « From Fanon to Glissant : a Martinican Genealogy », Small Axe, vol. 13, n° 2, 2009.

 

Liens :

http://frantzfanonfoundation-fondationfrantzfanon.com/