Lycée Schoelcher

Écrit par Robillard Guillaume (France) 30 janvier 2018

 

Lycée Schoelcher 

 

C’est au lycée Schoelcher, lycée d’élite de la Martinique dont la réputation n’est plus à faire et d’où sortirent des figures littéraires telles qu’Aimé Césaire (qui y fut élève puis professeur de philosophie), Frantz Fanon ou encore Joseph Zobel, qu’Édouard Glissant fut formé. Contrairement à ce qui est souvent dit, il ne fut pas élève d’Aimé Césaire, ce qui, du reste, n’empêcha pas la figure du poète de la Négritude d’influencer le jeune élève, comme Édouard Glissant l’a lui-même rappelé au cours du Prix Carbet de la Caraïbe 2008[1] :

« J’avais 14 ans, mes copains avaient 17-18 ans, ils étaient élèves de Césaire parce qu’ils étaient en 1ère-Terminale, moi j’étais en 3e et je recopiais sur du papier-banane – parce qu’il n’y avait pas de papier blanc – les cours de Césaire pendant les vacances et je déclamais dans les rues du Lamentin avec mes copains sous les fenêtres des bourgeois à minuit les poèmes de Césaire. ». Dans cette école coloniale (nous sommes avant 1946 et la « départementalisation » des colonies Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion), école où « on apprenait à fond, à coups de trique, il faut dire, derrière la tête[2]» selon les mots du poète, l’enseignement a une fonction d’assimilation (processus décrit avec beaucoup de légèreté et d’humour dans Chemin d’école/Une enfance créole II, second tome de l’autobiographie de Patrick Chamoiseau, et le célèbre film Rue cases-nègres d’Euzhan Palcy) et se présente, dans le même temps, comme la possibilité d’échappée au travail dans les champs de cannes. C’est dans ce lieu que les premiers éléments de subversion dans l’écriture de la langue française se dessinent chez Édouard Glissant, comme il le raconte lui-même : « Au lycée, en classe de rhétorique et en classe Terminale, un extraordinaire professeur qui nous enseignait le latin, le grec et le français, m’avait sanctionné pour une dissertation littéraire dont il disait qu’elle était parfaite mais qui m’avait sanctionné sévèrement parce que tous les paragraphes de cette dissertation commençaient par la conjonction « et »  d’un bout à l’autre du devoir. […] Et c’était ma manière à moi de protester contre la rhétorique ampoulée de la langue [française] en introduisant des éléments de rythme, de scansion et de subversion que, bien entendu, un professeur de l’époque ne pouvait pas supporter[3]. » Possibles débuts d’« oralisation » de l’écriture (par jeux d’allitérations, d’assonances, etc…) et de créolisation de la langue française par le jeune auteur qui « tend la main au conteur créole », selon la belle expression de son compagnon d’écriture Patrick Chamoiseau….

 

 

[1] Soirée Martinique, en hommage à Aimé Césaire, Prix Carbet de la Caraïbe 2008 :

[2] Édouard Glissant, 45 min., Guy Deslauriers, Kreol Productions/France 3, 2013

[3] Édouard Glissant, 45 min., Guy Deslauriers, Kreol Productions/France 3, 2013