Carthage

Écrit par Noudelmann François (Paris) Administrateur 29 janvier 2018

Carthage

 

 

Carthage fait partie des villes mythiques dans le monde imaginaire de Glissant. Non seulement son nom l’enchante (comme celui de Samarcande), mais aussi l’histoire de cette cité renvoie à un moment de culture africaine qu’il veut honorer. A vingt-huit ans, il écrivit un poème consacré à Carthage et qu’il inséra dans le recueil Le Sel noir. Au moment de la troisième guerre punique, en 146 avant J.C.., les Romains détruisirent totalement la ville et, selon une légende, ils auraient répandu du sel sur les terres pour empêcher toute repousse. Glissant évoque le massacre  :

 

 

Saurais-tu dire cette ville, son entour d’orage

Et marcher dans les rocs au large du Numide

Et la porte qu’on ferme lentement et les vieillards

Au mur cloués par les soldats ivres et l’homme

Sur la tour, impassible, qui détourne de son âme

Le long cri des enfants précipités dans cette mer ?

 

 

Glissant poursuit la fascination littéraire exercée par cet événement qui a déjà inspiré Chateaubriand et Flaubert. Il a aussi lu Caton l’Ancien, Tite-Live et Virgile sur cette période et ces guerres. Glissant allégorise l’opposition entre Carthage l’Africaine et la civilisation romaine. De manière schématique et en opposition aux cultures méditerranéennes, il met en valeur le polythéisme et plus généralement l’esprit de multiplicité qu’aurait symbolisé Carthage face aux autres cultures, romaines, notamment, qui feraient prévaloir au contraire l’unité religieuse et politique.

 

La Carthage moderne et tunisienne l’accueille officiellement en 2005 pour un colloque sur la poétique de la relation, organisé par l’université de Tunis, dont l’un des professeurs, Samia Kassab Charfi, est une spécialiste de son œuvre. De nombreux écrivains et spécialistes font le voyage, parmi lesquels Pierre Oster, Patrick Chamoiseau, Salah Stétié et Abdelwahab Meddeb, originaire du lieu. C’est alors Tunis et ses quartiers populaires qui attirent Glissant plus que les ruines de Carthage.

 

Lien : film documentaire de Gérard Le Moal, 2005