Matta

Écrit par Wald-Lasowski Aliocha (France) 27 janvier 2018

ROBERTO MATTA

 

Peintre chilien (1911-2002)

 

Souvent considéré comme le dernier des surréalistes, Roberto Echauren Matta naît le 11 novembre 1911 à Santiago du Chili. Étudiant, il reçoit une formation d’architecte et travaille en France auprès de Le Corbusier. C’est alors qu’il se lie avec Salvador Dali et André Breton, rompt avec l’architecture, voyage en Espagne et, ultérieurement, part à New York pendant la Seconde Guerre Mondiale, où il est accueilli par Marcel Duchamp. Dans les années 1950, après un détour au Chili, il revient en Europe et s’installe définitivement en Italie.

La Cohée du Lamentin – le cinquième volume de la série Poétique – est pour Édouard Glissant l’occasion de développer une réflexion esthétique, qui définit l’art comme manière de « fréquenter le monde, ses éclats irréductibles et ses lumières répandues, unies comme des limons de fleuve qui s’enlacent ». Abordant précisément l’œuvre de Matta, Glissant écrit : « Aucune fixité, mais une soudaineté toujours recommencée, qui nous laisse béants. Convenons à l’ordinaire que, comme Montaigne, Matta non-être a peint le passage. »

Sensible à la diversité foisonnante des arts sud-américains, qui multiplient les  ouvertures inédites sur l’homme, le monde et l’histoire, Glissant souhaite les faire connaître davantage. Lorsqu’il dirige le mensuel du Courrier de l’Unesco, diffusé en vingt-sept langues, il consacre plusieurs numéros à souligner « l’unité souterraine qui structure la créativité de cette région du monde ». C’est ainsi que la couverture du numéro de juillet 1984 montre un détail de l’œuvre de Roberto Matta, Les Doutes des trois mondes, peinture murale réalisée en 1956 au siège de l’Unesco, à Paris. Pour Glissant, qui publie dans ce même numéro un texte intitulé « Pastel pour quatre artistes », l’œuvre de Matta se développe entre élans et replis, dans le battement du projeté/contracté, à l’image de la dialectique du vivant. Glissant écrit : « Matta cerne les approches successives de la confrontation qui, selon lui, régit l’art et commande les rapports à autrui et au monde.»

Glissant associe ses thèmes propres de l’opacité et du tremblement à l’œuvre de Matta. À ses yeux, celui-ci ne peint pas des choses, il illumine des trajectoires. Glissant explique cette puissance créatrice : « Comment peindre non des états d’âme, mais le fonctionnement de l’esprit ? Mouvement des plans qui, sur la toile, se combinent ou s’opposent, spirales des découvertes, explosion des incompatibilités révélées, condensations en nova de nos certitudes les plus denses : ici la matière rejoint et suit la dynamique de l’esprit. »

Lors de l’exposition Tremblement de ciel, à la Maison de l’Amérique latine entre mai et juillet 2011, un texte de Glissant est choisi pour décrire la peinture de Matta comme Relation. Ici l’art, mondialité projetée dans l’œuvre – « Tractatus philosophicus de peinture » -, se déploie en profondeur et en étendue. La peinture de Matta, écrit Glissant, « bout comme un volcan, bondit comme un tremblement, s’apaise comme une roche noire, s’entasse et s’accomplit comme les grandes pierres taillées de ses rêves, et puis s’écroule, laisse traîner la trace de son sang et de ses rêves ».

Ce qui parcourt les différents textes de Glissant consacrés à Matta, c’est l’intuition du « bouillonnement ». Voilà ce qui fait signe dans l’œuvre de l’artiste : la profusion, comme manifestation de ce qui naît, jaillit ou envahit, l’incarnation d’une mobilité permanente. Avec Matta, impossible de stopper l’élan, d’arrêter la vitesse ou de figer l’explosion. Les éclairs détruisent la fixité, la prodigalité des matières interdit « la pause, le médité ou l’expliqué ». Le matériau est un souffle. Libérée, la matière s’envole.

Aliocha WALD LASOWSKI

 

 

Bibliographie :

Edouard Glissant, « Pastel pour quatre artistes », Le Courrier de l’Unesco, juillet 1984, 37ème année.

Edouard Glissant, « Matta de loin », La Cohée du Lamentin, Gallimard, 2005.

Edouard Glissant, « À propos de Matta », Matta/Sculptures, éd. Maison de l’Amérique latine, 2011.

Tremblement de ciel, Matta. Zanartu, Téllez, éd. William Blake & Co, 2011.

 

Liens :

http://www.eternels-eclairs.fr/tableaux-matta.php